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PORTRAIT DE CREATRICE #4 – Mars 2023

Karine, Les Petits Gobelets

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Karine Dupont, j’ai 50 ans tout juste et je suis céramiste depuis 9 ans.

J’ai créé Les Petits Gobelets fin 2018. Pourquoi « les Petits Gobelets » ? Alors, j’ai un problème avec la notion de choix, en tout cas au niveau créatif : je pars dans tous les sens ! Si je ne me borne pas, cela peut devenir très compliqué. Et donc, des petits gobelets, c’est ce que je faisais spontanément, cette forme revenait sans cesse. La première raison c’est vraiment de me donner un cadre, mais qui reste assez ouvert pour que je puisse quand même m’amuser et créer !

L’objectif était aussi de me différencier et de me trouver une identité forte. J’aimerais que cela devienne un produit emblématique d’ici. Pour l’instant, quand on ramène un souvenir de Bordeaux, c’est du vin ou des cannelés, c’est un peu périssable !

Comment définirais-tu ton métier ?

Je suis céramiste, et céramiste, à la différence de potier ou potière, cela veut dire que je ne fais pas que des pièces utilitaires mais j’avoue que fabriquer des pièces “utiles” me plaît car cela me permet de partager la vie des gens, d’être proche d’eux.

Ceux qui choisissent d’offrir ces objets sont en permanence avec ceux qui les reçoivent, car les utilisateurs s’attachent à leurs gobelets, ils font vite partie de leurs rituels quotidiens. 

Par ailleurs, comme je travaille presque uniquement à la commande, et que chaque pièce est porteuse d’un message, je deviens intermédiaire, mes mains donnent vies à leurs envies. 

Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans ce métier ?

Ce qui me plaît c’est que c’est tous les jours pareil et en même temps ce n’est jamais pareil. Je m’explique : tu es obligée de t’adapter à ton environnement. Prenons la météo par exemple : ça paraît logique mais quand il fait froid, les pièces sèchent plus doucement, quand il fait chaud elles sèchent plus vite, voire trop vite. Donc il y a une forme de routine rassurante, dans le sens où les étapes de fabrication sont les mêmes. Mais c’est la matière et non l’humain qui impose son rythme, cela t’oblige à être en lien avec ce qui se passe autour de toi. Cela peut sembler frustrant mais c’est comme ça et c’est bien de laisser du temps au temps.

Un autre élément qui me plaît c’est l’aspect très concret. Quand tu as une idée, tu peux la concrétiser très vite, sans forcément passer par du dessin. C’est, au sens propre, entre tes mains. Au final, je dessine rarement alors même que j’ai fait une formation autour du dessin et que dans ma précédente vie pro je dessinais beaucoup. Là, je n’en ai pas besoin. L’idée arrive, je tourne, je teste, j’adapte : je le sens dans mes mains. Dernier point, un peu différent, et qui est lié aux cours que je peux donner : l’aspect humain. Voir la manière dont les gens abordent la terre, cela en dit beaucoup sur eux et c’est comme une fenêtre sur leur caractère : leur gestuelle, leur patience, leur niveau de confiance, … C’est très parlant ! Les cours me permettent de rencontrer du monde, de partager, c’est aussi très stimulant. Ce n’est pas du tout le cœur de mon activité, je ne suis pas prof de céramique mais ça m’amuse.

Comment en es-tu arrivée là ?

Pendant 15 ans, j’ai travaillé, à Paris, dans une entreprise d’accessoires de mode. Je dessinais des bijoux et des sacs, surtout des sacs d’ailleurs. J’ai fait L’Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, donc j’ai une formation autour de la haute couture. On reste dans le domaine créatif mais c’est quand même assez différent.

Bref, la crise de la quarantaine aidant, je me suis demandé ce que je voulais faire de ma vie et si je voulais continuer comme ça, dans la mode à Paris. La réponse a été assez clairement non. Je faisais de la sculpture mais en autodidacte et pour mes loisirs, donc j’avais déjà ce contact avec la terre et j’avais envie de le développer. Et quel métier pouvait être proche de ce que j’aimais tout en y étant un minimum légitime ? La céramique ! Je me suis donc inscrite à un CAP de tourneur : 500h prévues alors que je n’avais jamais essayé le tour… Heureusement, cela m’a plu ! Parfois, il ne faut pas chercher à comprendre, on sent les choses et ce qu’on doit faire.

Comment décrirais-tu ta journée-type ?

Pour l’organisation de ma semaine, en théorie, j’aime bien façonner les boules le lundi, tourner le mardi, faire sécher et cuire en fin de semaine. Mais, dans les faits, je m’adapte en fonction des commandes et des délais associés et aussi, comme on le disait tout à l’heure, de la météo et des temps de séchage.

Si je décris ma journée-type : en général, le matin, je commence par une parution sur Instagram car j’ai encore les mains propres. En arrivant, je vérifie mes pièces et le séchage et c’est ça qui va décider du programme de la journée.

Des difficultés dans ce métier ?

J’ai la chance d’avoir un atelier assez ouvert donc il y a toujours des gens qui passent. C’est aussi un atelier partagé, donc je ne souffre pas vraiment de la solitude, qui peut être un sujet pour d’autres créateurs. Et puis j’avance bien quand je suis seule donc cela ne me pose pas de problème quand ça arrive.

En revanche, ce qui est vraiment compliqué, c’est de trouver équilibre financier. Si je privilégie les revendeurs, je fais de la quantité mais mes marges sont bien réduites. Si je privilégie la vente directe, mes marges s’améliorent mais j’ai moins de volume. Ce n’est pas toujours simple de trouver le juste équilibre entre les deux. Être céramiste, ce n’est pas juste un métier, c’est un vrai choix de vie. Je ne te cache pas que financièrement cela n’a rien à avoir avec mon poste de DA à Paris !

Il faut aussi avoir en tête que c’est très chronophage. Il faut être multi-casquette, ce qui est plutôt un bon point : échanges avec les clients, présence sur des marchés de créateurs, gestion d’Instagram, relations avec les revendeurs, … Mais c’est non-stop. Car les gens te contactent principalement quand eux ont du temps, et donc sur mon temps perso à moi : le soir, le week-end, … Cela ne s’arrête jamais vraiment et il faut réussir à mettre des limites de temps en temps.

Comment imagines-tu tes nouvelles créations ?

En général, ça part d’une envie (une couleur, plus mat ou satiné, jouer avec les marquages, …).  Ensuite je teste et le produit évolue au fil des tests, de ce qui fonctionne ou pas, du rendu qui correspond ou non à ce que j’avais imaginé, …

Des conseils pour quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’artisanat ?

Surtout, ne pas être trop optimiste sur les rentrées d’argent !

 Se lancer en tant que céramiste, et plus globalement en tant qu’artisan, c’est être conscient que financièrement cela peut s’avérer compliqué. De mon côté, ça va, j’ai eu une vie avant, je n’ai plus de contraintes de prêts ou autre. Mais si on est en début de vie professionnelle, ça peut être un sujet. Il faut avoir en tête que cela ne se fait pas du jour au lendemain : « mon loisir devient mon métier, je gagne ma vie et c’est 100% plaisir ». Non, ce n’est pas comme ça que ça marche. Si on se lance avec une démarche de rentabilité, on risque d’être déçu. Il faut que ce soit une vraie passion où on est d’accord avec le fait de ne pas compter ses heures. C’est comme quand on a des enfants:  ça n’est pas tous les jours facile mais finalement, c’est quand même vraiment bien !

Enfin, quels sont tes projets pour la suite et tes actus ?

Côté « Petits Gobelets », en ce moment, j’ai envie de me donner du temps pour faire des collections. C’est super que les gens me commandent des gobelets mais j’ai un peu envie de faire d’autres choses, notamment développer les partenariats. Je trouve que c’est très enrichissant ce genre d’échanges !

Je développe aussi les luminaires. J’ai un projet pour une chaînes hôtelière. C’est d’ailleurs une tendance que j’observe : de plus en plus d’architectes d’intérieur ont envie de faire travailler les artisans locaux pour mettre davantage en avant l’identité de chaque lieu et sortir de l’uniformisation de la déco.

Côté plus « perso » on va dire, je reviens un peu à la sculpture. Je viens de faire une expo collective à Paris, qui s’est bien passée. Ça m’a donné envie de continuer à développer ce côté « pur artiste ».

Et je réfléchis aussi à créer des bagues et bijoux en céramique, avec des messages. Les essais sont en cours. Ce serait un vrai lien entre ma casquette d’artisan et celle d’artiste !

Pour découvrir l’univers de Karine et suivre ses actus, visitez son site Internet –  https://lespetitsgobelets.fr – et suivez-là sur Instagram @lespetitsgobelets !

Crédits photos : Karine Dupont

Portrait chinois

Une saison : l’automne

Une couleur : orange

Une pièce de la maison : la cuisine

Une fleur : la pivoine

Un objet : un gobelet

Une odeur : l’odeur de l’herbe après la pluie

Une matière : la porcelaine

Un lieu : une plage en Normandie